Dans les symposiums surbookés qui leur sont dédiés, des participants s’assoient par terre par manque de place. Toutes les grandes revues scientifiques leur ont consacré un numéro, avec certains titres dignes de la presse people. Comme pour le graphène ou les nanotubes de carbone, une fièvre pour les pérovskites a gagné les chercheurs du monde entier. Pourtant, rien ne prédisait que ces matériaux utilisés depuis 2012 à peine dans le domaine photovoltaïque allaient faire tomber tous les records derendement : 10 % en 2012, 15 % en 2013, 20 % en 2014, plus très loin des 25,6 % de rendement aujourd’hui affichés par le silicium… Et qui sait jusqu’où les courbes s’envoleront ?
Des qualités insoupçonnées
Les pérovskites désignent une famille de matériau ayant une structure cristalline particulière. Celles utilisées pour le solaire sont dites hybrides, comprenant à la fois des composés organiques et inorganiques. Fruit des recherches de la filière du photovoltaïque organique, les cellules solaires en pérovskite sont une alternative diablement séduisante aux cellules en silicium qui dominent aujourd’hui le marché, mais dont les limites – performances, rigidité… – sont connues depuis plusieurs années.
La découverte des qualités « photovoltaïques » des pérovskites revient à deux experts du domaine : Michael Graetzel, de l’École polytechnique de Lausanne, et Henry Snaith, de l’université d’Oxford. « Les cellules réalisées par Graetzel et Snaith ont atteint, dès leur apparition en 2012 et sans optimisation, les meilleures performances parmi les technologies émergentes », raconte Daniel Lincot, directeur de l’Institut de recherche et développement sur l’énergie photovoltaïque (Irdep) 1.
Si les pérovskites produisent des rendements si élevés, c’est grâce à des qualités insoupçonnées avant 2012. La bonne séparation des charges électriques et leur mobilité sont en effet la bonne surprise de ce matériau – une surprise d’autant plus grande qu’ « au moment où les premiers résultats sont tombés, les propriétés électroniques de ces matériaux étaient encore mal connues, c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui », explique Emmanuelle Deleporte, physicienne au Laboratoire Aimé-Cotton 2 qui étudie depuis dix ans ces composés. À la bonne mobilité des charges s’ajoutent une bonne absorption de la lumière du soleil, la possibilité de les manipuler sous forme d’encre pour de grands revêtements et un coût de fabrication peu élevé…
Vers des solutions mixtes
Alors… Les pérovskites seront-elles LA technologie du futur pour le photovoltaïque ? « Je ne pense pas qu’une seule technologie deviendra la solution unique, tempère Daniel Lincot. Les pérovskites ont apporté un élan considérable à la communauté photovoltaïque et sont encore pleines de promesses, mais elles se heurtent également à des verrous très importants comme leur piètre stabilité ou leur mauvaise résistance à l’eau… Par ailleurs, les records sont réalisés sur des démonstrateurs de quelques millimètres carrés de surface. Il reste de nombreuses années de recherche, même si l’intérêt des entreprises du secteur est déjà très fort. » Le silicium a encore de beaux jours devant lui…
Si le matériau prodige a encore de nombreux secrets à dévoiler, son apparition sur le marché pourrait ne pas tarder… Henry Snaith, avec sa start-up Oxford Photovoltaics, annonce la commercialisation des premières cellules pérovskites dès 2017. La fièvre ne va pas retomber de sitôt.
Notes
- 1.Unité CNRS/EDF/Chimie ParisTech.
- 2.Unité CNRS/Université Paris-Sud/ENS Cachan.